La fin de l’exploitation animale dans le monde ?
Un espoir lancé par plus de 400 philosophes dans le monde à l’occasion de la journée mondiale des animaux. Ils appellent à la fin de l’exploitation animale qu’ils considèrent comme “injuste et moralement indéfendable”. Le lendemain, la France adopte un amendement visant à museler les associations lanceuses d’alerte sur les conditions de traitement des animaux.
Une pratique sur les animaux, injuste et moralement indéfendable
Résultat de l’initiative de trois chercheurs (1) du Groupe de recherche en éthique environnementale et animale (GRÉEA), cet appel fédère des chercheurs du monde entier autour de la conviction qu’il est nécessaire de remettre en question l’humanisme classique pour mieux protéger les animaux et l’environnement.
Bien que leurs travaux s’inscrivent dans des traditions philosophiques diverses, La Déclaration de Montréal sur l’exploitation animale (2) a déjà rassemblé plus de 400 chercheurs et chercheuses universitaires spécialisés en philosophie morale et politique, issus d’une quarantaine de pays différents. Un nombre susceptible de grandir puisque si vous êtes chercheuse ou chercheur en philosophie morale ou politique, vous pouvez signer la Déclaration (3).
Le GRÉEA estime dans cette déclaration que, dans la mesure où elle implique des violences et des dommages non nécessaires, “l’exploitation animale est injuste et moralement indéfendable”. Ils condamnent ainsi “l’ensemble des pratiques qui supposent de traiter les animaux comme des choses ou des marchandises.”
Les animaux sont des êtres sentients et conscients
Sur le plan éthique, cette déclaration fait écho à la Déclaration de Cambridge sur la conscience (4), statuant que “des données convergentes indiquent que les animaux non-humains possèdent les substrats neuroanatomiques, neurochimiques et neurophysiologiques des états conscients ainsi que la capacité de se livrer à des comportements intentionnels”.
En éthologie et en neurobiologie, il est d’ailleurs bien établi que les animaux sont sentients*. Les mammifères, les oiseaux, les poissons et de nombreux invertébrés sont capables de ressentir du plaisir, de la douleur et des émotions. “Lorsque nous blessons un chien ou un cochon, lorsque nous maintenons en captivité un poulet ou un saumon, lorsque nous tuons un veau pour sa chair ou un vison pour sa peau, nous contrevenons gravement à ses intérêts les plus fondamentaux.”
Jocelyne Porcher, sociologue et directrice de recherches à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) a très bien montré que si l’élevage est une relation au vivant, l’élevage industriel n’est plus de l’élevage. Il s’agit de la production de viande, de lait, etc. L’animal est réduit à une seule fonction et on le condamne à la non-expression de ses sens. C’est une vie mutilée, qui n’est que souffrance !
Les animaux sont des sujets conscients “ils ont leur propre point de vue sur le monde qui les entoure. Il s’ensuit qu’ils ont des intérêts : nos comportements affectent leur bien-être et sont susceptibles de leur faire du bien ou du mal.” précisent les auteurs de la déclaration.
Renoncer à des habitudes spécistes devrait être une évidence
Si pour certaines personnes il peut toujours sembler naturel de penser que “les intérêts des animaux comptent moins que les intérêts comparables des êtres humains”, ces universitaires estiment que cette intuition spéciste ne résiste pas à un examen attentif.
En effet, les arguments fondés sur les capacités cognitives sophistiquées des êtres humains pour hiérarchiser les espèces n’ont aucune pertinence morale :
“Les capacités d’un individu à composer des symphonies, à faire des calculs mathématiques avancés ou à se projeter dans un avenir lointain, aussi admirables soient-elles, n’affectent pas la considération due à son intérêt à ressentir du plaisir et à ne pas souffrir. Les intérêts des plus intelligents parmi nous n’importent pas davantage que les intérêts équivalents de ceux qui le sont moins. Soutenir l’inverse reviendrait à hiérarchiser les individus en fonction d’une faculté n’ayant aucune pertinence morale.”
Le fait que les animaux “ne soient pas membres de l’espèce Homo sapiens ne change rien.” Ils s’accordent donc sur la condamnation du spécisme et la nécessité de transformer en profondeur nos relations avec les autres animaux en mettant fin à leur exploitation.
Des solutions concrètes pour sortir de l’exploitation animale
Si un grand nombre de personnes sont déjà capables de se passer d’aliments d’origine animale tout en restant en bonne santé, il y a bon espoir que le développement d’une économie végane pour une alimentation alternative rendra plus facile de passer le pas pour les plus réticents.
Tous ces dommages sur les animaux pourraient être évités : “Il est évidemment possible de s’abstenir de porter du cuir, d’assister à des corridas et des rodéos, ou de montrer aux enfants des lions enfermés dans des parcs zoologiques.” expliquent les auteurs.
Parce que l’exploitation animale est foncièrement injuste et nuit aux animaux sans nécessité, il est essentiel d’œuvrer à sa disparition. Pour ce faire, les chercheurs proposent de viser notamment “la fermeture des abattoirs, l’interdiction de la pêche et le développement d’une agriculture végétale.”
Si la fin de l’exploitation animale leurs apparaît comme l’unique horizon collectif à la fois réaliste et juste pour les autres espèces, “nous ne nous faisons pas d’illusions ; un tel projet ne sera pas réalisé à court terme. Il requiert en particulier de renoncer à des habitudes spécistes bien ancrées et de transformer en profondeur certaines de nos institutions.” précisent-ils.
Les institutions peuvent-elles vraiment cesser de voir les animaux comme de simples ressources à disposition ?
En France, le lendemain de la parution de cet appel et dans le cadre du projet de loi de finances 2023, un amendement visant à supprimer la réduction d’impôt aux associations coupables d’actes d’intrusion dans des exploitations agricoles a été adopté par les députés en commission des finances (5).
L’objectif de Marc Le Fur, député LR et auteur de l’amendement, est de couper les fonds des associations antispécistes : “Jusqu’ici, les associations antispécistes de type L214 […] pouvaient bénéficier d’une déduction d’impôts pour leur donateurs”, rapporte-t-il dans un message publié sur son compte Twitter.
“Si en séance, les députés confirment le vote de la commission des finances, la loi ne permettra plus à ces associations de bénéficier de cet avantage fiscal si elles continuent à encourager ce type d’action” ajoute-t-il sur son site internet.
Toutes les associations qui alertent sur les terribles conditions d’élevage industriel en se filmant, sans autorisation, sur les propriétés agricoles et industrielles, risquent ainsi de perdre une grande partie de leurs subventions.
40 ONG s’offusquent et condamnent cet acharnement
Dans un communiqué commun (6), une quarantaine d’ONG (dont L214, Greenpeace, Welfarm, Oxfam France, Foodwatch et Générations Futures) dénoncent fermement l’amendement car s’il était définitivement adopté, il “toucherait de plein fouet l’ensemble des organisations qui dénoncent les dérives de notre système agricole et industriel, notamment via des actions de désobéissance civile”.
Ces ONG appellent les députés à rejeter l’amendement en séance plénière car elles le considèrent comme ”une nouvelle preuve de l’acharnement des pouvoirs publics envers les organisations de la société civile, et une nouvelle étape pour entraver nos associations qui œuvrent pour l’intérêt général.”
Interrogée par Franceinfo, Barbara Boyer, porte-parole de l’association L214, a déclaré : “on tente ici d’empêcher les associations de réaliser ce travail d’alerte et de faire en sorte que notre modèle agricole et alimentaire puisse évoluer.” (7)
Enfin, pour Brigitte Gothière, cofondatrice de L214 “L’objectif derrière cet amendement est clair : asphyxier financièrement les associations de défense des animaux pour les empêcher de montrer ce qu’il se passe derrière les murs des élevages et des abattoirs. Et ce pour le plus grand bonheur des industriels de la viande et de la FNSEA, à la manœuvre pour faire taire toute critique du modèle agricole productiviste qu’ils représentent. Nous ne nous laisserons pas faire, et nous appelons nos soutiens à se mobiliser à nos côtés !” a-t-elle déclaré dans un communiqué séparé. (8)
Le groupe d’associations conclut que “Face à cette nouvelle tentative d’intimidation de la société civile, nous continuerons de défendre sans relâche nos libertés d’opinion et de manifestation, si essentielles face aux épreuves que nous traversons et pour la démocratie, et d’alerter les citoyennes et citoyens sur ces dérives sécuritaires.”
*Sentience (du lat. sentiens, ressentant) : pour un être vivant, capacité à ressentir les émotions, la douleur, le bien-être, etc. et à percevoir de façon subjective son environnement et ses expériences de vie.
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