Sous le bitume, la terre
120 ans après le goudronnage à grande échelle des chaussées et bas-côtés de France (dès 1901), rétropédalage ! La tendance est au débitumage.
Le revêtement minéral a figé et asphyxié le sol depuis plus d’un siècle. Or, le sol est le troisième plus gros réservoir de carbone de la planète après les océans et les énergies fossiles. Il a donc un impact sur le changement climatique… et sur la qualité de vie du tout vivant, y compris des humains.
Pour végétaliser la ville et améliorer le cadre de vie des habitants, au début des années 2010, ont d’abord été investies les surfaces plus « secondaires », comme les toits végétalisés, les jardins de façade, les potagers urbains. Désormais, il est nécessaire d’aller plus loin, de traiter la cause du réchauffement climatique et non plus seulement les symptômes. Et pour cela, d’être moins intrusif sur le territoire.
Des sols bitumés depuis 100 ans
Le bitume symbolise la « route moderne », se substituant aux empierrements traditionnels de cailloux et pavés. Il apporte une solution aux routes défectueuses et inconfortables à l’usage, réduit les temps de trajet, nivelle et assèche les voies de circulation. C’est surtout l’avènement de l’automobile qui a entraîné le bitumage intensif du territoire : les pouvoirs publics ont adapté les voies de communication aux véhicules motorisés, directement liés à la démocratisation des loisirs. Ainsi, le goudronnage s’est développé au début du XXe siècle, selon une technique anglaise adoptée en Europe.
L’artificialisation des sols continue de gagner du terrain
Routes, mais aussi création de zones d’habitations, parkings et zones d’activité… La frénésie de l’urbanisation stérilise terres arables et leur fait perdre ses capacités à stocker le CO2, sans parler de la destruction de l’habitat des espèces. Le béton couvre désormais près de 10 % du territoire, grignotant les surfaces agricoles et naturelles. La surface d’un département (596 000 hectares en moyenne) est artificialisée chaque décennie. Cette consommation de l’espace va pourtant à contre-sens de la transition écologique nécessaire. Parmi les propositions de la Convention citoyenne pour le climat de 2021, figure l’objectif de ralentir le rythme de consommation d’hectares de pleine terre d’ici à 2040.
Le désert de bitume atteint pourtant ses limites
Les carences de verdure et l’artificialisation des sols ont des répercussions sur le climat des villes, puisque les espaces bitumés perméables créent des îlots de chaleur, rendant les canicules estivales plus difficiles à supporter. Diminuer la température de 3°C, c’est possible grâce à des coins de verdures baptisés « îlots de fraîcheur », en réintégrant des arbres et de la végétation partout où c’est possible. La végétation désimperméabilise les sols, limite leur érosion, produit de l’oxygène, dépollue l’air en absorbant les particules fines émises par le trafic routier, régule le climat, produit des fruits, abrite une riche biodiversité, crée un paysage urbain agréable à l’œil et au mental…
Débitumer là où ce n’est pas indispensable
Sur les places de stationnement, par exemple : certaines communes ont commencé à végétaliser les parkings. Il est aussi urgent de débitumer le pied des arbres pour qu’ils ne meurent pas d’asphyxie. À plus grande envergure, Bordeaux, Caen, Nantes et Paris ont pris le lead en commençant à arracher l’asphalte sur des surfaces variables, de la fosse de plantation à l’hectare. À Paris, 12,5 hectares auraient été débitumés entre 2019 et 2020, et la création d’un permis de végétaliser permet depuis 2015 aux citoyens de jardiner sur l’espace public piétonnier (pied d’arbre, bac, jardinière…), et notamment en pleine terre dans les fosses réalisées par la ville.
Caen aussi continue cette initiative, et supprimera 4 hectares de bitume d’ici 2023 sur une vingtaine de sites de la ville. Sur les grandes surfaces, la pelouse ou le lierre viendront reverdir la ville – c’est un premier pas vertueux, même si les carrés d’herbes décoratifs n’ont pas grande valeur écologique… Ils pourraient idéalement évoluer en prairies de fleurs mellifères. La commune normande avait précédemment lancé l’initiative ‘Caen au pied du mur’ et encouragé les habitants à semant des plantes et des fleurs (roses trémières, volubilis, graminées, herbes folles…) dans l’espace ni privé ni public des pieds de murs, à la frontière du goudron.
Quant à Toulouse, depuis avril 2021, l’ancien parc des expositions laisse place à la création d’un poumon vert en cœur de ville : après débitumage, un mélange de terre végétale et de compost sera installé et fera d’ailleurs l’objet d’un suivi scientifique – puisque nous manquons de savoir sur ce sol appauvri depuis des décennies et qui retrouve la lumière du jour. Restaurer ce sol dégradé demandera un suivi sur le long terme.
Cas d’écoles
Les établissements scolaires ont enfin commencé à repenser leurs espaces extérieurs, et les cours de récréation se transforment ici et là en oasis – de nombreuses études démontrent que les enfants ont besoin de se reconnecter à la nature pour s’épanouir. C’est le cas à Paris (depuis 2019), à Grenoble, à Lille, à Quimper, mais aussi à Pau. Une mesure considérée comme un premier pas fondamental vers une autre éducation à l’environnement, argumente le collectif Enseignant·e·s pour la planète. La végétalisation des écoles entre généralement dans le cadre de labellisation E3D (École en démarche de développement durable).
En régions, défendre les terres agricoles
En Charente-Maritime par exemple, à Aytré précisément, la ville souhaite « moins de bitume pour évacuer l’eau dans la terre ». Et en Région Auvergne-Rhône-Alpes, plusieurs pétitions visent à sauver des parcelles de nature de l’artificialisation. Un mouvement citoyen se crée pour faire face à l’urgence climatique et rendre aux générations futures des terres cultivables et fertiles. Objectif zéro bétonisation, zéro artificialisation des sols.
Green acting, côté privé
Dans les villes engagées, le « débitumage participatif’ » fait appel aux citoyens. D’autres initiatives privées voient également le jour, comme par exemple à Baud, où cinq femmes ont acquis une ancienne scierie en 2020 pour débitumer les terres agricoles, entre autres projets alternatifs. Chacun à notre niveau sur notre territoire, nous pouvons envisager de débitumer nos allées de jardin par exemple, voire de dessiner nos jardins dans le respect de l’environnement, en tenant compte de la nature et de la biodiversité, donc en évitant au maximum les revêtements. De faire fleurir le bitume partout où c’est possible, jusqu’à la limite de l’espace public.
Bref, le bitume, laisse béton !
Convention Climat : https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/pdf/ccc-rapport-final.pdf
Annales de Bretagne ‘Du caillou au bitume, le passage à la « route moderne » (1900-1936)’ : https://www.persee.fr/doc/abpo_0399-0826_1999_num_106_3_4045
Toulouse : Une grande plaque de bitume disparait (2021) : https://www.20minutes.fr/toulouse/3013075-20210402-toulouse-grande-plaque-bitume-disparait-parc-expos-experience-scientifique-rafraichissante
Objectif Zéro bétonisation : https://www.wesign.it/fr/lyon-03/objectif-zero-betonisation#:~:text=En%20Auvergne%2DRh%C3%B4ne%2DAlpes%2C,l’%C3%A9chelle%20de%20notre%20R%C3%A9gion.
L’exemple de Baud : https://www.ouest-france.fr/bretagne/baud-56150/baud-l-ancienne-scierie-de-lann-vrehan-devient-la-scie-rit-6919722
Crédit photo : Ian Taylor
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